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Urgences pénales

COUR D’ASSISES / Meurtre de la Guerche de Bretagne

Article paru dans OUEST-FRANCE, le 23/01/2019, par Marion DUGRENIER

“Un homme de 32 ans comparaissait, ce mardi 22 janvier, devant la cour d’Assises d’Ille-et-Vilaine. Il est accusé de meurtre de [X], à La-Guerche-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) et encourt trente ans de réclusion.

Tête baissée dans le box, [Y], un Finistérien de 32 ans, comparaît pour meurtre volontaire – un crime passible de trente ans de réclusion – devant la cour d’assises d’Ille-et-Vilaine. Le corps de la victime, [X], 30 ans au moment des faits, a été retrouvé sans vie par un passant, à La Guerche-de-Bretagne, le 16 juillet 2016, le thorax criblé par des coups de couteau. Trois ont traversé le cœur de part en part.

Un homme très complexé physiquement et socialement

À la barre, proches, experts, anciens collègues de travail et psychologues dressent le portrait d’un homme très complexé physiquement et socialement. Il est atteint d’une malformation au visage, un « bec-de-lièvre » , et a déjà subi 25 opérations chirurgicales.

L’accusé lui-même relate un cycle sans fin de reconstructions de la mâchoire, du palais, du nez et des lèvres… Aggravé par son lot de moqueries. « Au supermarché, les gens le regardaient avec insistance et se donnaient des coups de coudes pour dire « tiens regarde celui-ci », eh bien celui-ci, il a beaucoup souffert » , s’emporte le père de l’ancienne famille d’accueil du jeune homme.

« Un environnement précaire et insalubre, des conditions d’hygiène alarmantes et un enfant en sous-nutrition ». C’est ainsi que le psychologue chargé de l’enquête de personnalité résume les deux premières années de vie d’[Y]. Le nourrisson est livré à lui-même, contraint à « changer ses couches lui-même et à boire dans la gamelle du chien, indique l’enquête sociale. Les services sociaux l’ont retrouvé sale, les pieds froids et à moitié habillé ».

« L’expérience douloureuse de sa différence »

Placé dans une famille d’accueil, qui « l’élèvera comme un fils » de ses 2 ans à ses 17 ans, l’homme reconnaît aujourd’hui « avoir eu de la chance de bénéficier d’une bonne éducation » . Il se révèle être « un enfant agréable et affectueux » , selon les mots de sa mère d’accueil, « très actif mais jamais violent ni agressif » . Ses problèmes de santé, ainsi que les longues périodes de convalescence qui succèdent à chacune des opérations, viennent perturber sa scolarité. « Il fait l’expérience douloureuse de sa différence » , estime le psychologue chargé de l’enquête de personnalité.

De l’émotion dans la voix, l’accusé évoque sa peur du regard des autres. « J’ai subi énormément d’agressions violentes et de moqueries. Deux personnes m’ont tabassé et torturé à mort. C’est pour ça que je gardais un couteau de cuisine dans ma veste, pour me défendre ».

Diplômé d’un bac pro de paysagiste, il décide de prendre son indépendance à 17 ans et quitte son foyer d’accueil. « Je regrette de l’avoir laissé partir. On culpabilise de se dire que les choses auraient peut-être été différentes s’il était resté » explique sa mère d’accueil.Isolé, vulnérable et en quête d’identité, l’homme sombre, de son propre aveu, dans une période noire. Il vit dans un foyer pour jeunes travailleurs à Vitré et alterne jobs d’intérimaire et périodes de chômage.

« Bizarreries physiques et comportementales »

« Allergique » au cannabis, il commence également à consommer de l’héroïne « pour ses effets anxiolytiques » . Le psychologue relève en effet « un sentiment de persécution récurrent, notamment de la part de gens qui ne lui sourient pas ou ne lui répondent pas, et un sentiment d’insécurité de plus en plus croissant » . L’homme se replie sur lui-même. Ses proches le qualifient de « parano » . « Ses comportements sont de moins en moins adaptés en société , poursuit le psychologue. Il est de moins en moins accessible au dialogue, manifeste des bizarreries physiques et comportementales et exprime des idées suicidaires. »

Interrogé sur son sentiment à l’issu de cette première journée d’audience, [Y] exprime à la fois regrets et frustration vis-à-vis « du système » . « C’était un geste de désespoir, un geste disproportionné. Je ne suis pas un criminel. Jamais il n’aurait dû m’arriver ça. »

Demain, la cour d’assises de Rennes examinera les faits de meurtre.”